Widor fait partie des grands de l'orgue parisien, aux côtés de Franck, Vierne, Tournemire, Dupré et (bien plus tard) Messiaen. De toutes ces personnalités, Widor était la plus détachée, comme si chez lui c'était l'esprit plutôt que le cœur qui parlait. Sa musique d'orgue, avec ses marches, ses scherzi et ses finales légers, a souvent quelque chose de vulgaire. Mais cette banalité n'est
… pas une parodie. Elle est plutôt le résultat d'un esprit vif et lucide. En cela, Widor ressemble à Stravinsky, dont les "pastiches" néoclassiques n'ont pas toujours été compris. Les premières symphonies de Widor auraient mieux fait d'être appelées des suites. En fait, il s'agit de recueils de pièces individuelles d'un compositeur qui doit encore s'inventer. Vers 1879, il trouve sa forme avec la populaire Cinquième Symphonie. Fort de cette expérience, il a donc soumis ses symphonies antérieures à des révisions. C'est pourquoi ce CD de symphonies anciennes nous donne parfois un aperçu du Widor tardif. Le finale de la troisième symphonie est magistral : une rhapsodie irrésistible qui s'achève dans un calme typiquement widorien. Les organistes virtuoses manquent parfois de tels moments de contemplation. Ce n'est pas le cas de Salvatore Reitano. Il sait comment capturer la profondeur derrière la façade, comme son CD des Symphonies Gothique & Romane (nos.9-10) l'a montré précédemment. (HJ)plus